Je propose qu'on reprenne le flambeau de la haine ordinaire, il y a tant à dire...
Je hais les fabricants de chaussures. A commencer par ceux qui font les chaussures pour femmes... impossible pour d'imaginer ne pas y foutre des talons. Je ne supporte plus les talons depuis longtemps, leur bruit me donne des envies de meurtres en série...
Où qu'on aille on ne peut y échapper ; même les pompes à priori les plus anodines aujourd'hui on en talon -même minuscule- derrière, juste histoire de faire le bruit le plus insupportable possible en marchant.
Pas que je sois psychotique, mais je vis dans un monde bruyant. De jour comme de nuit, des trains passent sur la voie ferrée juste devant chez moi, des avions passent au dessus de l'endroit où j'habite, et j'entends le bruit des marteau-piqueurs et autres pilon des innombrables travaux en cours... le maire du patelin n'a visiblement pas mieux à faire que défoncer tous les trottoirs toutes les quelques années pour les recouler. Comme si l'endroit n'était pas déjà assez moche et ravagé par la présence des humains.
Tous les matins, le bruit de la radio (celle des autres) me dérange, puis je dois cavaler à la gare. Là, les annonces. Comme d'habitude, une bouillie totalement incompréhensible qui ne sert qu'à rajouter au bruit de fond. Le train arrive, lorsque quelqu'un est trop près du bord, il se permet de sonner la trompette pour rappeler qu'il arrive... dedans, des gens qui parlent comme si le monde extérieur était sourd et ne pouvait les entendre, d'autres qui écoutent de la musique comme s'ils étaient seuls dans leur salon, des gamins qui geignent...
J'arrive à la gare suivante. Des annonces qui ne me concernent pas, puis le métro. Pareil que dans le train, avec en plus cette voix tonitruante qui annonce les arrêts... toutes les deux minutes... j'arrive à la fac. Des diatribes publicitaires dont les auteurs viennent parfois jusqu'à suivre ceux qui les fuient. Dans l'amphi, mon esprit se concentre à faire abstraction du brouhaha des discussions estudiantines pour se focaliser sur les seules paroles du maître de conférence, laissant à mes oreilles cette agression permanente. La journée finie, chemin inverse. Bruit de musiques étouffés, gens qui ne peuvent s'empêcher de battre eux seuls savent quelle cadence de leurs mains ou de leurs pieds, gamins geignards, pimbêche se sentant obligée de raconter ses courses à tout le wagon...
Ne tenant plus, je descends avant mon arrêt, préférant continuer à pieds. Dehors, les voitures, les camions, toutes les trompettes de la mort issues de profondeurs infernales. enfin, j'arrive chez moi. Précautionneusement, je pose mes affaires et me détends dans un silence absolu. J'avale avec avidité chaque seconde de ce calme béni. Un train vient l'interrompre.
Puis d'autres rentrent de leur journée, et le défilé commence... par un mur mitoyen maudit, j'entends mes voisins rentrer, se mettre à quelque travail (visiblement impératif et urgent) et commence à jouer du marteau, de la ponceuse, n'importe quelle autre abomination.
Pour y échapper, je mets la musique. Electronique, puissante, à même d'éloigner tout bruit parasite de mes tympans.
Je n'arrive pas à échapper à une seule chose : Les talons. Ils me rendent fous. J'entends leurs coups résonner en cadence, frénétiquement, cogner bruyamment contre le béton des trottoirs, les dalles et les carrelages des gares, les escaliers de la fac, partout... ils me poursuivent.
Là où la nature avait mis de la terre, les talons résonnent sur du béton tout neuf. Même en cherchant à échapper au bruit du train, ils me suivent dans la rue. Ces claquements répétitifs, ces assommoirs perpétuels, toujours à toquer en coups réguliers sur le sol. La musique même ne cache pas ses horreurs aigus et constantes.
Pourquoi les fabricants de chaussures ne peuvent-ils s'empêcher d'en mettre partout ? Sans doute suis-je un cul terreux de la campagne pour aimer me promener seul dans les rues la nuit, dans un silence de mort et éclairé par la seule lueur de ma très chère lune ; pour trouver qu'il n'y a aucune raison que le fait de marcher, plus que celui de respirer, nécessite de faire du bruit. Bruit auquel on ne peut même pas échapper chez soi.
Quelle utilité ont ses pointes qui dépassent sous les pieds de la gente féminine ? Esthétiques ? Pouah ! Ce ne sont pas les talons d'une femmes qui attirent les yeux d'un homme ! Ils n'ont strictement aucune utilité à part fouler les pieds des demoiselles lorsqu'elles manquent des marches d'escalier et qu'il faut alors qu'un gentleman se décide à les aider à marcher.
Combien de dames ne se plaignent jamais de ces chaussures qui ne leur vont jamais, qui leur font mal, avec lesquelles elles ont du mal à marcher ? Combien sont au contraire constamment à s'en plaindre, passent leur temps à saouler leurs congénères de tout sexe en leur parlant de ces maudits objets qui ne vont au pieds de personne mais qu'on n'a pas d'autre choix que celui de les acheter tout de même ?
Je hais les fabricants de chaussures, et je leur mettrais bien mes pieds nus dans la gueule.
Et au nom de tous ceux qui considèrent que leurs pompes devraient leur aller dès qu'ils les acquièrent sans passer deux mois à se faire torturer pendant qu'elles "s'habituent au pieds" parce qu'elles sont trop courtes ou trop étroites, tous ceux qui en ont marre qu'on leur reproche de ne pas vouloir avoir mal aux pieds vous disent d'aller crever, messieurs les tortionnaires, à coup de talon dans la gorge (depuis que j'ai vu un épisode des experts, je sais que ça marche
).