Bons baisers de Serbie

Un mail envoyé par ma copine Amélie qui est prof de français à Kragujevac en Serbie.
A mettre en parallèle avec certains propos de Chomsky dans "De la propagande"....coïncidence.... il en parle aussi dans son chapitre sur la soi-disant "intervention humanitaire" sur le rôle de l'OTAN qui a commis des crimes de guerres en Serbie (selon les conventions en cours, ne pas nettoyer les bombes à fragmentation non-éclatées constitue déjà en-soi un crime de guerre au sens "législatif" du terme...ce qui s'est passé sans compter que l'augmentation des violences en Serbie s'est produite A PARTIR des bombardements de l'OTAN)....tout se retrouve donc....
C'est un texte depuis là-bas, donc ne prétendant pas forcément à l'objectivité mais écrit avec sensibilité et intelligence, un autre son de cloche quoi....
C'est un mail perso écrit par une copine intelligente (et mignonne ^^) que j'apprécie beaucoup, et qui m'a finalement encouragé à le diffuser puisque je le trouvais pertinent et très bien écrit.
Ne m'en veuillez pas trop de pas avoir modifié la mise en page...c'est vraiment un pavé !


Titre : Bons baisers de Serbie

Coucou!!!

Je te fais parvenir ma réponse à un mail d’Adrien qui m'a beaucoup touché et surtout inspiré suffisamment pour avoir enfin le courage de prendre la plume pour exprimer un peu de ce qui me traverse depuis le début des événements qui se passent en Serbie en ce moment. J'espère que ça va t'intéresser et je te souhaite une bonne lecture...
bises

AMELIE (Réponse à un mail du pote Adrien, ci-après, un mec qui aime la funky, la soul et le Mexique...il est allé au Chiapas d'ailleurs)>>

Coucou.

Merci Adrien de ton mail qui me rassure quelque peu sur la connerie ambiante en France et dans le monde actuellement, et que je ressens jusque chez mes relations propres. Quand j'ai reçu ton mail, je me suis dit - pardon! - ah! Encore un qui veut savoir ce qui se passe, qui témoigne d'une curiosité frisant le voyeurisme dégoulinant et cynique sur les misères du monde... Et bien quel plaisir de voir que ta demande est une vraie demande, et non pas une recherche d'informations capables d'affermir ses préjugés ou trop contente après coup de me sortir les grandes analyses des médias français - complètement antiserbes, et traitant les choses avec un je m'en foutisme puant! - pour réfuter ce que je dis en appuyant la force de l'analyse et de l'information contre une soi-disant vue étroite due aux passions de la proximité et au point de vue unique serbe que je suis censée subir, étant dans leur pays! Je dois dire que ton mail m'a réconforté, et ce n'est pas un vain mot! Vraiment, tu m'as mis du baume au cœur! Toute cette curiosité c'est bien joli, mais quand tu vis quelque chose comme ça de si près, tu as du mal à mesurer ta "chance", et à voir que tu pourras dire que tu as assisté de visu à un événement historique. Non, de tout ça, tu t'en fous.
Complètement.

D'abord parce que les premiers jours, surtout à Kraguj, c'était calme, et puis j'ai mené ma petite vie normale, qui m'a fait passer entre les gouttes de cette tension palpable un peu partout. Lundi, les gens étaient sous le choc, tu vois. La ville a mené son train, mais le cœur n'y était pas. Et mardi, des manifs se sont organisés, pour finir en apothéose Jeudi où si l'on en croit les français et la presse mondiale, les serbes ont brûlé l'ambassade des Etats-Unis à Belgrade. Mais tout ceci n’est que la partie visible de l’iceberg, et une information simplement basée sur un événementiel de cette forme est purement et terriblement, dangereusement réducteur.

Il y a une chose que je ne comprends pas, moi: quel intérêt ont-ils à mettre le feu aux poudres dans cette région qui n'a vraiment pas besoin d'eux pour ça?! Une question stratégique du point de vue géographique... Certes, les pays de l'Ex-Yougoslavie se trouvent à la croisée des chemins entre l'orient et l'occident, et sont riches de ce double mélange, ce qui peut représenter une force culturelle énorme si on la laisse grandir... Mais du point de vue économique, zéro. C'est d'ailleurs inquiétant, parce que sans la Serbie, le Kosovo s'il n'est pas chapeauté par les instances internationales, n'est pas viable économiquement. Déjà qu'avec c'est la merde...

Ne vas pas croire que je sois contre l'indépendance du Kosovo... Je n'en sais rien, absolument rien. Ce que je crois, et je l'ai lu aussi dans quelques articles d'un spécialiste des Balkans en qui j'ai confiance et qui écrit dans le Monde Diplomatique, c'est que les négociations ont été complètement tronquées et truquées par la communauté internationale, et que la règle d'accès à la souveraineté des peuples qui veut que toutes
les solutions intermédiaires se soient avérés des échecs et que cette solution ne doit être adoptée qu'en dernier recours n'a pas été appliquée ici. Certes, les exactions du gouvernement de Milosevic envers les albanais du Kosovo donnent quelques éclairages sur la position kosovare, et on peut les comprendre, et c'est légitime. On ne peut forcer personne à vivre sous le même toit que son bourreau. Mais le problème, c'est que là dedans, les choses sont ainsi faites que la Serbie, une fois de plus, se sent spoliée de son pouvoir décisionnel, se retrouve dernière roue du carrosse sur les décisions prises pour son propre territoire, et que cela ne fait qu'attiser le dégoût et la rancœur des serbes, et ces sentiments mènent tout droit à la haine, à la violence, et au nationalisme le plus primaire. Ils venaient juste de se construire une vraie démocratie, putain! Alors, oui, c'est vrai, elle marche tant bien que mal, mais t'as vu la notre?!
Franchement!

Et cette Serbie, qui se sent désavouée, que son chef d'Etat, pro-européen qui veut ménager la chèvre et le chou a bien du mal à apaiser, de plus en plus isolée, diminuée d'année en année avec un territoire qui part en peau de chagrin, comme si le morcellement des territoires et la tactique du chacun chez soi et les vaches seront bien gardée était une solution aux rivalités ethniques, cette Serbie donc, se retourne naturellement vers ce qui est devenu à ses yeux ses ennemis, les pays qui se sont empressés de reconnaître l'indépendance, révélant par là aussi le côté grand guignol de cette vaste comédie, et par là même des dissensions au sein d'un illusoire consensus mondial sur l'indépendance du Kosovo, au sein même de l'Europe où les pays sont divisés, et où on s'aperçoit soudain que les choses ne sont pas si évidentes, et pas seulement pour la Russie, mais pour nombre de pays.

Certes, ces pays se la jouent tiédasse parce que ça leur fait chaud au cul et que tous ont quelque territoire dans leur sein pour qui le Kosovo pourrait être un précédent justifiant des velléités indépendantistes, mais cela montre pour le moins que c'est beaucoup plus complexe que ça, et que les choses ont étés pesées à la légère, et avec une balance deux poids deux mesures encore! On a voulu se débarrasser de la question du Kosovo, y'en avait marre d'en entendre parler, marre de la Kfor obligée de "pacifier" le territoire. Et si la Kfor se barre, c’est pour mieux escamoter les dissensions internationales et asseoir un pouvoir international sur le Kosovo avec une mission européenne libérée des voix dissonantes de la Russie au sein de l’ONU. Et ça aussi, problème épineux!
Qu'est-ce qu'un Etat indépendant administré par une armée internationale, et des "observateurs", "administrateurs" venus de toute l'Union Européenne, pour les "aider à maintenir la paix dans le territoire"? Ca y est! Ils y sont dans la place, tous les Bush et les Sarkozy du monde! Et ils vont pas lâcher le morceau!

SUITE....
Et tu vois, toi, une bande d'agités de Belgrade réussir à affaiblir la puissance des Etats-Unis et porter une véritable atteinte en brûlant complètement l'ambassade? Franchement, y'aurait que Ben Laden pour réussir un truc pareil! Tu verrais comment elle est encerclée par toutes les forces possibles du territoire! Oui, une mouche enflammée a réussi à passer à travers une fenêtre, il parait! T'inquiète, nos amis les hommes en rouge, ils sont passés par là vite fait! Par contre, et ça c'est malheureux parce que ce sont des serbes qui bossent là dedans, (mais bon, pas de morts), y'a plus un seul McDo à Belgrade! Hé hé hé!!! Je peux pas m'empêcher de rigoler, mais ils ont pas la bonhomie de Bové, ça c'est vrai. Les manifestants ont attaqué les ambassades de Slovénie des Etats-Unis, mais aussi celle de la Croatie, ça fait resurgir de vieux démons... Je ne l'ai pas trop senti moi-même, mais il ne fait pas bon être français ou américain en ce moment à Belgrade... La majorité des gens n'est pas stupide au point de s'attaquer à un civil pour sa nationalité, mais la situation est si tendue que tu sens que les gens peuvent craquer n'importe quand...

Après cette tentative d'analyse un peu concrète, et un peu documentée (je te conseille jean-Arnault Dérens sur le site du Monde Diplomatique, ou encore les articles accessibles du courrier des Balkans), un peu de ressenti.

Moi, franchement, vu ce qu'ils subissent les serbes comme pression internationale du point de vue éthique depuis le début des dernières guerres dans les Balkans - parce que quand ils subissaient Milosevic, personne! Et il faut rappeler aussi que, loin de ce l’Europe tente de nous faire admettre, la Serbie s’est débarrassée toute seule de son dictateur, et qu’aucune instance internationale n’a accompagné les serbes dans les rues de Belgrade pour lutter contre l’extrémisme - où l'opinion internationale leur dicte ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire, exigent des réparations que même l'Europe actuelle a mis tant de temps à faire après le génocide de la IIè Guerre, et les choses qu'on laisse traîner en longueur partout ailleurs dans le monde (Palestine), bref, avec toutes ces pressions et ces attitudes infantilisantes envers eux, je les comprends!

Quoi de plus naturel, même si c'est condamnable, quand on te traite en enfant irresponsable, de te comporter en enfant irresponsable?! On brûle les bâtiments ici, on s'échauffe, mais c'est avec l'énergie du désespoir, et plus que de la colère, je sens la révolte d'un deuil que tu ne veux pas accepter dans ces attitudes. Depuis un moment, je sens les serbes résignés, comme croulant sous le poids d'un Fatum qu'on veut croire réversible avec les illusions du dernier recours pour ne pas sombrer dans la folie.

Je prie ce dieu qui n'existe pas pour qu'ils n'y sombrent pas malgré tout dans cette folie, que tous les autres pays semblent chercher à provoquer avec tant d'acharnement. Parce qu'encore une fois, ce sont les civils serbes qui vont en souffrir d'un éventuel retour des extrémismes. Je le dis, et je le redis, j'aime ce pays. Je l'aime avec toutes ces caractéristiques que je viens d'énoncer, que loin d'appuyer comme étant une vérité et un état de fait irréfutable, je sens avec tout ce dont je suis capable de sensibilité et d'envie de comprendre, et que je revendique comme étant ma seule vision des choses, et non une prêche pro-serbe stérile et aveugle. Je ne prétends pas SAVOIR ce qui se passe ici, mais ce que je lis tous les jours sur les articles de la presse mondiale de la toile me révolte, me donne envie de vomir, et en lisant tout cela, je me demande de quel côté elle est la manifestation de haine la plus forte!
Pour moi, elle est bien du côté où ces plus forts qui ne pensent qu'à la chaleur de leur fauteuil sur lequel leur popotin est confortablement installé, de ce côté qui prétend donner à l'autre des leçons qu'il ferait bien de temps en temps de tirer pour lui-même, que ce soit en faveur de l'indépendance ou non. une fois de plus, les Balkans sont le théâtre des conflits internationaux des gros poissons, un dernier soubresaut étendu de ce Rideau de Fer qui n'en finit pas de tomber. Et ça me rend malheureuse. Malheureuse parce que quand je marche dans les rues de Belgrade, je ne suis pas fière ni excitée, ni contente d'être là et de pouvoir assister en live et à chaud à cet événement historique, non.

Une amie française de Belgrade cet après-midi me disait ne pas se sentir à l'aise ni à sa place dans ce contexte où elle sent que ce n'est pas notre histoire. Mais si ce n'est pas notre histoire, notre chef de l'Etat y participe, et je ne veux pas qu'à cause de lui demain, comme cela arrive à certains déjà, j'aie peur de parler français ou même anglais dans la rue, redouter de croiser le regard des habitants de ce pays qui hier encore m'accueillaient à bras ouverts pour cette même raison que je suis française. Je ne veux pas m'entendre dire par des amis serbes, comme certains l'ont déjà entendu que peut-être dans quelques temps il faudrait que je parte parce que la situation pourrait devenir dangereuse pour moi.
Je n'ai pas envie d'abandonner la Serbie à des extrémismes provoqués par d'autres. Toute cette chienlit me donne envie de pleurer.

Merci de ton attention, et de donner quelque crédit à tout ce que je viens de dire. je ne veux pas faire, comme l'a fait Peter Handke il y a quelques années un plaidoyer de justice pour la Serbie, mais je pense qu'il est urgent dans ce paysage informatif monolithique, de contrebalancer certaines choses, et oui, de permettre à la Serbie de relever cette tête qu'on la force à baisser depuis trop de temps, ne serait-ce que pour qu'elle puisse enfin sereinement faire un retour sur son passé et travailler main dans la main avec ceux qui voudront l'accompagner sans la rabaisser dans la réhabilitation de son honneur perdu à cause de quelques dirigeants trop cruels. Viendrait-il à l'idée de quelqu'un, même au lendemain de la seconde Guerre mondiale, quelqu'un d'un peu avisé, l'accuser tous les individus allemands comme un seul homme des crimes nazis? Sur quoi se fonde l'Europe à ses débuts sinon sur cette idée de valeur des peuples et de confiance dans une union qui donne sa place à chacun pour éviter de nouveaux conflits? (Bon, de l'Europe d'aujourd'hui, il n'est pas question ici, si tu le désires, je t'en ferai une petite conférence dans quelques temps si tu le veux bien!).
Je connais des français qui ont fait le tour de l'Allemagne au lendemain de la guerre pour renouer le lien au plus vite. Ils avaient vingt ans, la tête pleine d'espoir, et partaient comme disait Brassens, faire l'amour ensemble et l'Europe de demain. Je souhaite maintenant que les gens d'aujourd'hui qui sont de cette trempe n'abandonnent pas les Balkans et viennent rendre visite à ces peuples, pour leur prouver que nous ne les abandonnons pas aux griffes de ce nouvel ordre mondial qui nous fait tant de mal à tous.

Excuse mon lyrisme, en particulier sur la fin, il n'est pas non plus très cohérent avec cette volonté d'objectivité et de regard clair sur ce que je vis de près, mais je parle avec sincérité, et les mots portés par cette emphase ne dépassent en aucun cas ma pensée. Je te dirai dans quelque temps s'ils n'ont pas emporté mes idées un peu trop loin, ou trop près...
Je ne te demande pas d'être de mon avis, simplement de t'arrêter un peu et d'écouter ma voix, même si elle te parait dissonante de concert avec ce que tu entends tous les jours dans notre beau pays des droits de l'Homme qui vire tous les jours de manière plus abjecte ses ressortissants étrangers. On va y venir à l'appauvrissement du culte du mono ethnique, nous aussi, pas la peine de taper si fort sur les doigts des pays de ce qu'on appelle encore "la poudrière"...
Merci encore de ton attention, je te donne des nouvelles bientôt, là, je suis vidée!
Je t'embrasse.
Amélie

ADRIEN

On apprend ici que le Kosovo veut proclamer son indépendance et que le
gouvernement serbe ne veut pas. Les dirigeants s'en foutent et proclame le Kosovo indépendant. Manifestation à Belgrade contre l'indépendance du Kosovo. Et incendie à l'ambassade des states qui a reconnut le nouvel Etat, tout comme la France et finalement une bonne partie de l'Europe.
Voilà comme on nous présente les choses ici. Personne s'attarde trop
sur le pourquoi du comment et puis finalement on se dit, enfin moi, "encore un de plus indépendant. Eh ben si ca leur chante pourquoi pas". Cette affirmation ne prend en rien en compte l'histoire et les différentes populations qui peuplent la Serbie.
C'est pour ca que je me suis dit que te demander qu'est ce que c'était que tout ce raffus n'était pas une mauvaise idée.
En attendant tu peux dire que t'es espagnol puisque que l'Etat espagnol ne
>>> reconnait pas le Kosovo. Au cas ou ca peut servir ...C'est une calligeade !
Ici les caissiers en ont marre. J'en veux pour preuve un employé du Casino ou je vais faire mes courses qui dénonce activement à chaque client qui passe, les injustices qu'ils et elles subissent, les caissiers. Avec humour il se moque des dirigeants de Casino et pousse même le vice jusqu'a demander si ils ne feraient pas bien de piquer dans la caisse.

Bien le bonjour chez vous avec ou sans Kosovo !

Si pour l'instant vous êtes trop feignants ou trop occupés pour lire l'excellent et roboratif "De la propagande" - Noam Chomsky, qui traite du terrorisme d'état "Etasunien" aussi bien que de sa politique vis à vis de la Serbie....voilà une interview d'Emir Kusturica pour le journal italien "Il Manifesto".....c'est dans la continuité de Chomsky et de ce que ressent mon amie Amélie.
La référence m'a été envoyée par un ami rencontré lors d'un récent voyage...son pseudo est Orwell et je compte lui consacrer une partie du forum car il submerge littéralement ma boîte mail de références intéressantes, içelles références que je trouverais dommage de laisser perdre, de ne pas fixer et mettre en page pour vos yeux fatigués de tant de frasques professionnelles, sexuelles et psychotropiques (l'alcool étant égalment un psychotrope ne l'oublions pas)....bande de connards et connasses adorés !

Bonne lecture.

Interview d'Emir Kusturica : « l’Italie s’est trompée ; elle s’est comportée comme un satellite des Usa »

Tommaso Di Francesco
24 février 2008
Il manifesto

Sur la crise en cours dans les Balkans, nous avons posé quelques questions à Emir Kusturica, le metteur en scène yougoslave et serbe, d’origine bosniaque –il est né à Sarajevo en 1954- auteur de nombreux films parmi lesquels l’extraordinaire Underground ; actuellement, il est probablement devenu le principal ambassadeur de son pays dans le monde. Toujours impliqué dans le cinéma et dans la promotion de jeunes cinéastes, il a fondé dans la zone des montagnes de Zlatvor, près de Mokra Gora, une petite Cinecittà serbe qu’il appelle Sharingrad (la ville multicolore).

-Comment jugez-vous la grande manifestation du 21 à Belgrade, les médias internationaux ont parlé de « retour du nationalisme serbe » et d’ « orgueil serbe dans la rue » ?

Moi j’y ai vu une forte réaction émotive, j’y ai vu beaucoup de rage du peuple serbe contre la décision irrationnelle de l’Occident de nous priver du Kosovo, une sorte de nouvelle occupation militaire.
Un véritable vol a été commis, les protagonistes, une fois de plus, sont les Etats-Unis. C’est la même terreur qui continue contre nous depuis 1991-1992, celle qui a commencé en Slovénie, puis en Croatie et à la fin en Bosnie-Herzégovine. Avec l’indépendance du Kosovo, nous sommes arrivés à la dernière phase de la terreur. J’insiste sur le terme de terreur, il n’y a pas d’autre mot pour le définir.

-Mais il y a eu malheureusement la dévastation des ambassades et des incidents gratuits…

Je dois dire immédiatement que je suis contre tout type de violence, surtout à l’égard de ces attaques d’ambassades. Mais ces incidents ne peuvent pas cacher le fait que tout a commencé avec la reconnaissance de l’indépendance proclamée de façon unilatérale par les dirigeants de Pristina, contre le droit international et contre la Serbie. Les violences sont le résultat de cette « violence »-là.

-Que pensez-vous du fait qu’on découvre maintenant que le jeune homme mort dans l’ambassade est un étudiant de 20 ans, Zoran Vujanovic, réfugié à Novi Sad avec sa famille qui avait fui le Kosovo en juillet 99, peu de temps après l’entrée de l’OTAN ?

Cette jeune vie perdue de façon aussi tragique est un symbole. Comment ne pas le voir ? Ça montre combien notre tragédie est grande. Voilà la conséquence de la décision scélérate de reconnaître l’indépendance de Pristina. Un jeune homme finit sa vie dans l’ambassade du pays qui, par ses bombardements et par le soutien aux terroristes, a été à l’origine de sa fuite de l’endroit où il était né. Avant de mourir je voudrais vraiment voir la fin de toute cette terreur contre nous.

-Quand vous avez pris la parole au rassemblement de Belgrade, vous avez dit, au milieu des applaudissements, que vous n’appartenez pas à la mythologie de Hollywood. Quelle aura été la réaction de tous les gens qui aiment le cinéma ?

Je ne peux qu’aimer et respecter le cinéma. Mais si on me reproche d’avoir le « mythe du Kosovo » je suis obligé de répondre que oui, chacun a droit à sa mythologie, chaque peuple surtout. Et le peuple serbe a l’archétype de cette culture extraordinaire, de cette peinture médiévale unique au monde, des écrivains comme Ivo Andric et Milos Crnjavski. Pourquoi quelqu’un aurait-il le mythe de Brad Pitt et nous ne pourrions pas, nous, avoir ce mythe pour le Kosovo où est née notre histoire ?

-Que pensez-vous du rôle de l’Italie qui déclare être toujours « amie des Serbes » mais d’abord bombarde de façon « humanitaire » en promettant qu’il n’y aura aucune sécession de ce territoire, et reconnaît ensuite l’indépendance de Pristina ?

J’aime l’Italie, je m’en sens très proche. Mais c’est toujours un satellite américain, une condition grave pour votre autonomie, une condition néfaste pour l’Europe. Vous verrez, la reconnaissance que l’Italie a voulu faire de l’indépendance unilatérale du Kosovo va devenir un boomerang qui pour finir vous abîmera vous aussi.


Edition de dimanche 24 février 2008 de il manifesto
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Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio