Hommage de Treviso à Bram Hawkins :
Treviso devisait de choses et d'autres, à bord du Navire de son Amy Bram Hawkins quand une soudaine envie d'uriner lui saisit la vessie.
- "
Pour sûr", lança le Vénitien se levant brusquement, "
j'ai encore trop bu... Vois-tu, mon cher Bram... C'est plus fort que moi... La Grappa est si bonne que j'en bois plus que de raison et après..."
Sortant précipitemment de la cabine de Bram, il déplaça sa carcasse jusqu'au pont supérieur, traversant pour cela la cabine des cartes...
A son retour, l'esprit léger, il s'attarda quelque minutes, dans le bureau de la salle des cartes...
Prenant soin de n'être pas vu, il ouvrit le journal de bord de son Amy et se mit à lire...
- "
Foutre Dieu, il est bien ce gars-là !" S'exprima Tréviso à haute voix... "
Je ne savait pas qu'il était malade... Quel héroïsme..."
Puis poursuivant sa lecture, son oeil narcissique fut attiré par un nom : Pietro-Luigi de Treviso...
- "
Tiens... Voyons voir ce qu'il dit de moi... Il lut puis relut encore une fois... Fichtre ! Sympathique... Oui, Bram Hawkins est un frère ! Et jamais mal ne lui serait fait sans qu'il soit aussi fait au Vénitien ! Foutre Dieu ! Un jeunot de 20 piges qui écrit comme il écrit, de nos jour, c'est rare".
A son retour dans la cabine de Bram et devant tous les autres chefs de meute, le Vénitien mit genou à terre. Il s'inclina devant Hawkins et dit :
"
C'est devant toi que s'incline l'Imperator... Frère... Tu es le plus pur d'entre nous tous... Et ta bénédiction vaudra désormais pour moi celle de Dionysos."
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Extraits du journal de Bord du Capitaine Pyrate Bram Hawlins.
Le 3 Septembre de l'An 1606, Un mois déjà ! Et un constat s’impose : l’Est n’est pas fait pour moi ! Je déplore ce manque de danger, cette relative sécurité qui me fait dormir en pleine mer comme dans un port.
Les navires que je croise sont pour la plupart des pinques ou des bélandres et je suis las de m’en prendre à ce genre d’équipage qui se rend avant même de m’avoir aperçu. C’est tout un état d’esprit : l’Est vit dans une langueur qui me déplaît.
Je ferais donc cap sur l’Ouest dès demain !
Pourtant, j’ai rencontré à l’Est des personnes remarquables : Pietro-luigi de Treviso, Cucamonga ou encore mes ex-camarades de la Cour des miracles que sont Ruud Van Bald, Fredhongie ou encore Jacob Van Heemskerk. Et j’ai re-rencontré Dalil, un ancien de mes mousses. C’est avec lui que j’ai pris la décision de créer une nouvelle confrérie dont je reparlerais très prochainement.
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Le 3 août de l’An 1606, Je vais bientôt mourir…
Si je ne trouve pas la mort sur une potence, la tuberculose que j’ai contractée depuis des mois se fera une joie de suppléer mon bourreau. Certes, je me battrai jusqu’au bout pour ne pas connaître une mort aussi insipide ; mais je sais trop bien que dans un futur plus ou moins proche je serai bon pour le Grand Saut. Pour éviter que ce jour là, toute trace de ma vie ne disparaisse quand on aura jeté mon corps à la mer, j’ai tenu à consigner le récit de ma vie. Je ne me fais pas d’illusions sur l’avenir de ces quelques feuillets : sans doute mes gars s’en serviront-ils pour démarrer un feu…dans le meilleur des cas !
Mais bref, je tenais à le faire...
Voilà donc mon histoire, depuis ma naissance :
Je suis né à Amsterdam vers 1580. A cette époque, ma mère alors âgée d'une vingtaine d'années avait toutes les raisons d'envisager son futur avec optimisme : elle était jeune, belle mais surtout préservée de la faim, ayant obtenu depuis peu un emploi de serveuse dans une taverne. La misère semblait loin derrière elle.
Grisée, elle comptait même ne pas s'arrêter là. Sans doute s'imaginait-elle déjà mariée à un vieux négociant qui lui ferait l'égard de mourir quelques années plus tard en lui léguant sa fortune colossale…
Le destin est excentrique : ce riche marchand prit les traits d'un jeune marin totalement désargenté. Ils ne se connurent qu’un soir. Peut-être même l’avait-il déjà oubliée quand il embarqua le lendemain vers l’Amérique.
Elle, n’a jamais pu vraiment l’oublier. Ni oublier ce qu’il lui laissa : un petit bâtard qu’elle appela Bram...
Peu de gens comprirent pourquoi cette femme dont l'arrivisme supplantait toutes considérations morales décida de me garder, moi qui annihilais par ma seule présence tous ses rêves de mariage et de fortune... Elle le fit cependant, et sans hésiter, croyant pouvoir par ce biais pouvoir conserver définitivement une trace de son marin parti pour le nouveau monde.
Ce en quoi elle se trompait de nouveau.
Ma mère perdit son emploi quand il devint impossible pour elle de dissimuler qu’elle était enceinte. Elle m’éleva donc dans une extrême précarité mais dès mon plus jeune âge fit tout ce qu’elle put pour que je puisse recevoir une éducation digne d’un fils de notable. Peut-être croyait-elle que ce vernis de culture et de bonnes manières allait pouvoir me sortir des bas fonds, comme elle avait d’abord présumé que sa beauté le lui permettrait ?
Je ne m’étonnais pas à l’époque de recevoir épisodiquement la visite de ces précepteurs étranges mais passionnants. Je n’ai compris que bien plus tard d’où venaient les énormes sommes d’argent investies dans ces cours… et n’ai apprécié qu’encore plus tard la hauteur du sacrifice de ma mère.
Ma mère avait tout misé sur l’avenir radieux qui m’attendait.. Je ne sais pas si elle pensait réellement que je parviendrais à changer de vie avec cette éducation fragmentaire ou si elle entretenait cette illusion par un optimisme forcené…
Elle ne devait jamais déchanter puisqu’elle mourut vers 1600, me laissant seul pour subsister.
J’étais sans doute plus lucide qu’elle sur les maigres chances que j’avais de percer l’impénétrable hiérarchie sociale de Amsterdam.
L’expérience me le confirma.
Et le simple besoin d’argent me poussa donc rapidement vers deux options : le clergé ou la marine.
Au risque de briser un mythe – un mythe ! Comme je deviens modeste avec le temps ! - ma vocation ne s’est faite que par défaut, ma foi étant très intermittente depuis la mort de ma mère.
Je m’engageai donc sur un navire marchand en partance pour les caraïbes.
Ce fut le début d’une nouvelle vie.
Je développai sur ce navire une réelle passion pour le voyage, la mer et la navigation. Mon enthousiasme à tout découvrir et à tout apprendre, et sans doute l’apparente bonne éducation que j’avais reçue, me firent rapidement me démarquer des autres marins. Et sans vraiment l’avoir voulu, je me retrouvai second du navire.
J’étais un bon second, populaire mais respecté, et même craint quand il le fallait.
A cette époque, un événement me marqua profondément : la lecture du Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie. Ce fut une révélation ! Un bouleversement même !
En moi naquit ce jour là une conscience aiguë de la politique et un sentiment de révolte – presque - naturel, comme si ces idées avaient réveillé en moi une flamme assoupie. Et, même si je ne partageais pas toutes les idées exposées dans ce livre, celles-ci furent le fondement de ma propre vision du monde.
Ce livre ne m’a pas quitté depuis.
Je me souviendrai toujours de la tension ressentie par l’ensemble de l’équipage la première fois que nous aperçûmes au loin un navire pirate… et le sentiment de soulagement quand nous arrivâmes à bon port ce même jour.
Ce danger me fascinait. Je brûlais de mieux connaître ces navires que nous fuyions comme la peste. Je rêvais même de les rejoindre…Mais il est très difficile d’assouvir ce genre de projet quand on a enfin accès à une vie satisfaisante. J’avais peur de tout perdre. Il me manquait quelque chose, une motivation supplémentaire...
Celle-ci arriva avec mes premières quintes de toux.
Je compris quel mal m’affectait quand j’ai commencé à cracher du sang ; un mal mortel et contagieux : la tuberculose.
Je fus débarqué à Grenada et mis deux semaines à me relever de cette difficile nouvelle. Mais je voulais continuer à naviguer. Pouvais-je seulement y penser en courant le risque de contaminer tout l’équipage ?
Une solution s’imposait : trouver des gars qui n’auraient pas de considérations pour ce genre de choses. Ce fut assez simple parmi les corsaires, dont les rangs étaient remplis de contagieux de toutes sortes. J’avais presque l’impression que les gaillards que je recrutais n’appartenaient pas au monde que je m’apprêtais à quitter. Ils avaient tous déjà braver la mort des dizaines de fois et c’était comme s’ils ne s’en souciaient plus vraiment.
J’achetai donc un navire chez un armateur à crédit que je baptisai - sobrement ? – Crépuscule.
Et je partis, corsaire parmi les siens !