.:: Poésie ::.

Citation :

"C'est la nuit...

...Qu'il est beau de croire à la lumière."
Edmond Rostand

La nuit, toujours. C’est un manteau de fourrures sombres, de peaux de bêtes sauvages. C’est un immense jardin de centre-villes, pleins de fleurs de carbone désespérées, noyées sous les blessures des lumières électriques. Des lumineuses de fer et de verre aux dards qui tranchent les rues désertées de leurs faisceaux.
Un train arrive au loin sur la ville, de l’autre côté d’un canal de béton et de cendres.
L’asphalte est encore brûlant, ivre d’essence, sous une voute poivrée d’orage. Les rues sont désertes, sans un souffle, mais qui souffrent pleines du soufre étouffant, de la lourde chaleur glauque des lampadaires. En pleine ville, c’est l’heure des Carpathes obscures, où on ne sait quel vampire est en train de sévir, caché dans la noirceur.

La nuit, toujours. C’est une épaisse couverture noire qui fait suffoquer la métropole. Dans les draps de cette nuit d’été, il y a de petits acariens qui fourmillent. Dans ses artères bouchées, il y a de pathétiques caillots, cloîtrés dans leurs voitures.

On arrive pas à distinguer si quelqu’un marche. On ne perçoit plus même les pas pesants des piétons dehors. Au fond de cette toile, un train passe. Son passage sur les rails donne le tempo à cette lente, longue et pénible chansonnette : l’insomnie des citadins.

La nuit, toujours. Quelques pneus crissent dans une rue lointaine… Un chien aboie… Une détonation au loin ! Une révolution ? Un crime ? Un feu d’artifice ? Je ne le saurais jamais… Tous les bruits naissent, se confondent, et s’éteignent dans une nuit. Tout dort trop vite, quand on ne trouve pas le sommeil.
Et la lune est toujours aussi haute, toujours aussi hautaine. Perchée, elle nous regarde bien différemment, elle ! Puisque c’est quand elle apparaît que nous lui tournons le dos à cette grande dame… C’est quand enfin elle est visible que nous ne voulons plus la voir.
Mais ce soir, ce sera autrement. Ce soir, c’est insomnie.Et l’on regardera la lune, comme rarement on aurait pu la regarder en dormant.

Le train s’enfuit. Je me surprend à aimer la nuit. Passionément. D’habitude, je n’aimerai jamais aussi fort… Mais ce soir, ce sera autrement. Et l’on adorera la nuit, comme jamais on aurait pu aimer la nuit, de jour !
Pourquoi est-ce de nuit que tout sentiment est décuplé ? Pourquoi toute parole, quand elle est nocturne, nous semble plus importante, plus solenelle ? Enfin pourquoi est-ce tard que bien malgré nous, nous pensons vraiment, avec sincérité ?
J’ouvre une page blanche, et je note ce qui s’écrit en moi. La nuit me parle. Avec sagesse.

« Parce que l’insomnie nous ceinture, nous couvre chaudement. Elle n’essaie pas d’être chaleureuse. Parce que le vide de ces nuits estivales fait tout rebondir dans l’air, fait tout vibrer d’autant plus, parce que nous sommes délestés des autos, des avions, des trains, des gares et des horaires, des gens, de la rue. Plus de sommeil ! Et plus de soleil ! Seulement des artifices : phares, ampoules, lampes, néons… Et quand enfin on entend le dernier train partir, que plus rien ne nous retient, et que plus rien ne nous illumine, quelque chose en nous se met à luire.
Des lampadaires et de ces lumières qui nous harrassent, il ne nous reste plus que celle qui nous éclaire ! »

02:33

Tout simplement merci du fond du coeur Barth. La lecture de ces lignes font parti des rares instants de la journee ou le temps suspend son vol.

Ca te derangerait de les mettre a l'ERC et surtout le dernier poeme? Je pense aussi que cela ferait une superbe presentation de confrerie !! Placardes-le aussi sur Montforum, pour faire contrpoids a Crow et sa milice.

Tu m'as donne envie de m'y mettre a fond, un elan artistique fecond en somme

Pourquoi vouloir faire contrepoids à ma milice ?

Je ne suis qu'un honnête pirate qui aime son prochain

super Barth c'est trés beau

Pour ceux qui connaissent "Jeremy", qui travaille à la Banque Centrale de sa ville et qui prend pour son plus grand malheur le métro le matin avant d'aller travailler, voilà ce qu'il aurait pu écrire :

C’est un vertige fou, un suprême supplice
Même les noirs corbeaux parmi les plus glaçés
Préfèreraient le bât, le roue ou le sillice
Que d’être cuisinés dans ces eaux violaçées

Encore des larmes ? Non ! Fuyez sous mes paupières
Inutiles humeurs, ô harpies orphelines
Et disparaissez donc, j’aime haïr vos lumières
Vos futiles senteurs, de plombs de chevrotine

Ce billes sont si chaudes qu’on pourrait y dissoudre
Mes collections de livres, et mes projets branlants
Saborder ces penaudes, par le feu et la poudre
Dire adieu enfin à ces papiers volants

Guérir cet abscès par un haut feu de bouquins
Faire un autodafé de ces vils manuscrits
Pourquoi a-t-on permis à mes vers incertains
De fracasser aux pages leur silence inouï ?

Comment m’a-t-on laissé, polluer ces prairies
Gonfler des feuilles mortes de ma noire souillure
Les malmener et, ô ultime barbarie
Sur ces papiers sacrés, étaler mon cyanure

Je veux être assombri, guidé par une lampe
Qui n’éclaire que les fossoyeurs littéraires
Ô me faire pleurer à m’en brûler les tempes
Que mon cerveau éclate ! Qu’on m’enfouisse sous terre !

Tic, tac. L'heure tourne. Il est tard.


Ecoute dans la nuit : un cœur s’en est allé
Suivre le clair de lune, oiseau voleur de cimes
Œil lesté par une ancre qu’un cimetierre arrime
Au tiens, peut-être aussi porté dans ces allées ?

Voyageux audacieux, je te préviens encore
De ces pays de joie il ne reste plus rien
Et si tu recevais des sacrements chrétiens
N’escompte pas les cieux : le ciel aussi est mort

Dans les donjons, perdus, des obscurs châtelains
Dont le sang séculaire atise noblement
Les bien maigres bûchers des foyers crépitants
Dans des tours aussi fines que les doigts de leurs mains

Fenêtres meurtrières aux orbites livides
Transperce l’épaisseur des murs de lierre gras
Les yeux du nobliau, rosés, suivent en bas
Cette danse du lac, de l’eau et de sa ride

Ah ! Ces toiles noircies, ces orchestres de pins
Où les sanglantes notes s’étalent en bavures
Sur les seigneurs vampires qui battent la mesure
D’un opéra de souffles déchirés au fusain

J’ai gravi, méditant, les neiges éternelles
Aux sommets affranchis, quand enfin tout est sourd
« Et s’il était tombé, tout du haut de ces tours,
L’Homme aurait-il été rien qu’une simple grêle ? »

Eh ! Laissons-nous tomber. Ne freinons pas la chute
Taisez les voix horribles des scribes maléfiques
Refermez en moi-même la grilles aux grandes piques
Je n’en ai que trop vu : que vos Dieux m’executent !

Enracinés au fond de geôles et d’égouts
Leurs bras sont arrachés, leurs bouche sont cousues
Elles me voient percer les regards des sangsues
Les desseins des socrières, dans l’eau, font des remous

Crois-tu que je pourrais, consumer par la fièvre
Redresser la carène à un pareil esquif ?
Tu ne sais pas encore, jeune dubitatif
Je te conte l’histoire : suis mes yeux et mes lèvres

Il était un baronet à la grande pense
D’une couronne d’or il s’était affublé
Et tout en ravissant aux pauvres gens leurs blés
Il se réjouissait de leur malheur immense

Mais les yeux du baron, pendules formidables
Hérités d’un démon aux lugubres nevroses
Creuse un gouffre sans fond au ballet de l’hypnose
Qui griffe dans sa course les deux serres du Diable

(inutile de préciser que j'étais de bonne humeur quand j'ai écris les deux derniers que j'ai posté)

S'tu veux...

EDIT : Mais plus je recommence, et plus le mot soupire
Que la fois précédente. Quelle malédiction
Me hante chaque fois, quelle sombre passion ?
J’ai bien pris cent cahiers sans oser les remplir

A vivre sans freiner, aurais-je trop vieilli
Que je ne pourrais plus laisser mon écriture
Gambader à sa guise, et prendre pour pâture
La jungle de mon être; n’aime-t-elle plus ce fruit ?

Jouissant plus des vides que des lettres forcées
Me voilà restant coi, agenouillé devant
Les reliures parfaites des pages au grain blanc
A ces livres je n’ai plus rien à confier

Je vois mes mots tomber dans des miroirs fendus
Aller au fond du trou, broyer de noirs charbons
Emporter l’encre dans sa précipitation
Et éclater leurs lettres sur les os des pendus

Et je vomis des vers, dans une transe fauve
Ulcéré par Satan ! Etreint de convultions !
Je sens comme un trépan qui vrille son sillon
Sur ma tête. Malheur ! Il a troublé l’alcôve !

Mais dans l’âtre plus rien, aucun feu qui ne brûle
Aucune âme qui vive, et aucun cœur qui bat
Seul un miroir détruit, faisant luir ses éclats
Mon visage ruissèle d’un rouge ridicule

chapeau bas...

Le manège continue... Je me rend compte que dans la période de glauque que je suis en train de traverser, dans ce poème, je décris une sorte de trépanation de moi-même...
Voilà la suite : des gens visitent.


Penchez-vous, voyez donc. Jaugez la profondeur
Du trou qui fut creusé par ce forêt médiocre
Humez les aiges poudres des poussières d’ocre
Tailladées par le soc aiguisé des odeurs

Contemplez cette rade, ces navires en cale
Sèche et leurs voiles dures, qu’un catogan de câbles
Tient dans ses griffes sûres, et voyez sous ce sable
Ce ne sont pas des marches : ce sont les cervicales

Près d’elles des gravures, ou comme des dessins
Des ossements forgés ? On a gratté la pierre
Et sa croûte glaçée ? Mais ! C’est un planisphère !
Un ancien visiteur nous montre le chemin

Entamez la descente : le sentier continue
En dévalant la pente. D’autres sont passés là !
Faute de demi-tour, nous n’avons plus le choix
Certains ont trépassé, d’autres sont descendus

Les Eteintes

Des notes suspendues aux violons bleus-gris
Des lignes éphémères aux longs bords sirupeux
Des voyageuses lasses harassées par la nuit
Qui des cendres, ont le gris, et du ciel, ont le bleu

Elles ont des années parcouru des pays
Où courent simplement des lumières sur elles
Et projettent leurs ombres sur des murs ravis
Des ces quelques ballets de fumées demoiselles

Elles sont les reliques des anciens bûchers
Encore glopante, et fantômatiques
Elles sont passagères, passantes oubliées
Dans la vitre d'un train, poteaux télégraphiques

Elles défilent sur les carreaux des maisons
Aux cheminées éteintes sans plus de foyers
Où jouer à voler, à perdre la raison
Leurs danses sont finies. Leur voix s'est dissipée

C'est beau Barth

Aaah ma bien aimée ! La fleur de mes nuits !
Tes sublimes rondeurs virevoltent sans bruit,
Elle se cachent dans les drapés et les voiles ;
Colorent sans fin cette vie que l'on dévale.

Ta pâleur blafarde ma peau a glacé,
Et mon coeur brûlé par ton roux baiser.
Je n'puis vivre sans toi, enfin te voila ;
Quand tu n'es pas là je me sens si las.

Tu égayes mes rêves, préserves mes songes,
Ce feu m'ensorcèle chaque jour davantage.
Accompagnes moi jusqu'au fond du lit ;
Quand je te perçois je sais qui je suis.

Guides moi dans les rues si je suis perdu
Je suis effrayé ne t'ayant pas vu.
Pointons vers ce ciel qui tant nous réjouit !
Lune ! Bénédiction des Oiseaux de nuit.

Inspiré du poème Serial Killer de Motörhead pour la forme.
Vous reconnaîtrez de quoi ça parle.

Je suis le spectre qui circule
Je suis le meurtirer acide
Le spéculateur somnambule
Aux desseins économicides

Je suis le centime manquant
Je suis le grain de sable dur
Je broie la machine dedans
Et à l’extérieur, je rassure

Je suis la Main Noire, la Peste
Je suis la fin de vos fabriques
Je ruine vos pays d’un geste
Je suis la crise économique

Quand je me pique de mon dard
Je dicte ma loi, et l’enfreint
Dans les palais du Dieu dollar
Je suis le Diable et le Divin

Je suis pilote du train fou
Je suis l’ordinateur central
Je suis pour mon prochain un loup
Je suis la finance animale

Dans les corbeilles, un canari
Redoute de se faire bouffer
Comme un titi tout affaibli
Qui voit rôder un gominé

Voyez ! L’invisible laideur
Dévorant le jour de demain
Craignez-moi si je vous fais peur
Si vous en avez les moyens

Sentez ! Comme je rampe en vous
En vos sales veines bancaires
Je me glisse dans vos égoûts,
Je frappe vos banques sous terre

L’apocalypse tellurique !
La fin des siècles argentés !
De cette crise économique,
Naîtra un monstrueux bébé

Un poupon sordide et hagard
Qui jaillit des sols de la guerre
Il s’éveille, court et s’égare
Chute et se brise : il est en verre

Et moi, ramassant les éclats
Je ricane, hausse les épaules
Car je m’imagine déjà
Incarnant mon tout prochain rôle

Fin de l'Acte !

La Mort

Tel le grand vengeur sombre qui erre dans la nuit,
Sur une terre d'ombre, fouetté par la pluie,
Apre désillusion râle d'une peur sourde,
Vêtement de haillon, oeil triste et pensées lourdes,

Fossoyeur éternel, foulant le sol cendré,
Voyageur immortel, témoin des joies brisées,
Dans d’antiques forêts, aux sillages sanglants,
Dorment les trépassés, aux yeux ferrés d'argent,

Maintes formes tu connus à travers le temps,
En allant du plus grotesque au plus effarant,
La plus tragique fut celle donné par les hommes,
Respectant fidèlement le plus vieux de ts dogmes,

Longue silhouette osseuse à la faux effilée,
Arpentant cette triste terre désolée,
Délivre-nous de l'horreur de ce monde cruel,
En embrassant cette aube d’un rouge éternel.